Papier vous fait découvrir l'univers sublime du photographe italien Nicola Bertellotti à travers une série de clichés de lieux abandonnés d'exceptions.

Nicola Bertelloti ruines château villa abandon photographie
© Nicola Bertellotti

Papier : Quand avez-vous commencé cette série de photos intitulée “The great beauty” ?

Nicola Bertellotti : J’ai commencé il y a environ 15 ans. Avant que cette aventure ne commence, il y a eu une réflexion sur l’architecture, le cinéma et la peinture. Quand je me suis retrouvé devant l’un de ces lieux pour la première fois, c’était comme une illumination, la révélation d’un paysage émotionnel. Et j’ai choisi la photographie pour le dire. 


Comment avez-vous trouvé tous ces bâtiments en ruines ? 

Je trouve ces lieux grâce à des recherches obsessionnelles que je fais sur Internet mais aussi avec l’aide de contacts de confiance. Ils sont dispersés partout en Europe mais la plupart sont en Italie. Il peut arriver que je découvre un lieu intéressant par hasard lorsque je voyage, dans ce cas, la satisfaction de la découverte est double. C’est ma sérendipité. 


Savez-vous comment et pourquoi ils sont abandonnés ? 

L’abandon de ces lieux peut dater de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au début des années 1990. Les raisons sont presque toujours économiques. Les villas et châteaux somptueux sont difficiles à entretenir au fil des décennies. Il n'est pas rare que les héritiers soient en désaccord alors tout ce qu’il reste, c'est l’oubli et la décadence. 

Que voulez-vous exprimer à travers ce travail ?

Je retrace les traditions culturelles du dix-huitième siècle qui exalte le concept et l’idée que la ruine peut être définie comme telle uniquement grâce au regard mélancolique que celui qui la contemple exerce sur elle. Les ruines modernes que je photographie sont une preuve du processus des changements du temps et sont aussi le signe “vivant” du présent. Elles incarnent le lieu d’une fracture spatio-temporelle qui constitue, avec son caractère paradoxal, à l’inexplicable essence de la poésie des ruines. Et c’est précisément ce qui m’anime. 


Que pensez-vous de la nature qui reprend ses droits sur ces bâtiments ?

Les ruines sont le tournant nécessaire de l’architecture humaine vers la nature, ils sont le signe environnant d’une beauté inégalée et ingénieuse. Mais ces bâtiments, maintenant retournés presque entièrement à des conditions végétales, devenus “autre qu’eux-mêmes”, sont revigorés et expressément renouvelé. Ils nous permettent de redécouvrir la qualité poético-mythologique de ces belles constructions de l’Antiquité et qui, aujourd’hui, a été perdue. 


Comment vous sentez-vous lorsque vous êtes dans ces bâtiments en ruine ? 

Je ne sais pas pourquoi, mais quand j’entre dans un lieu en ruine, je parle à voix basse, j’essaie de marcher doucement comme pour ne causer aucun bruit. J’écoute. Je me déplace comme si j’étais à l’intérieur d’un magasin d'objets précieux, attentif à ne toucher qu’à ce qui est nécessaire. Je visite des villas, j’entre dans des églises, je marche sur des sols d’usines abandonnées et ce faisant, je me convaincs que ce vide à affaire avec moi, ma vie, ma vision, mes peurs les plus profondes, mes origines. C’est comme si je découvrais mes ancêtres et cela me place dans une position de fragilité absolue et de pathos. Je pense à ces lieux comme des oignons que l’on épluche pour en atteindre le cœur, la chair. 

Nicola Bertelloti ruines château villa abandon photographie
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Série photographique  © Nicola Bertellotti